dimanche 15 avril 2018

Chanceux !

Chalut la compagnie !

J'étais en train de vous écrire un petit article sur mon week-end de Pâques passé à Javouhey et Awala-Yalimapo, quand soudain (!), une belle rencontre est arrivée... Celle-ci mérite toute votre attention, non pas qu'elle concerne la femme de ma vie ni qu'elle fera que je resterais à vie en Guyane, mais qu'elle fait partie de ces petites choses qui font que j'aime bien ce qui se passe par ici bas... Après, en fait, peut-être tu t'en fous, alors passe ton chemin ! 

Tout commence un matin de saison des pluies, départ avec mon acolyte Mijaël pour Saint-Laurent. But de la visite : trouver un terrain pour le camp scout de cet été ! La journée se passe bien, et c'est après avoir trouvé un terrain, manger au bord du Maroni et bu un café que nous repartons direction Kourou.
Après une petite demi-heure de route, nous nous arrêtons pour prendre un autostopeur avec un gros sac en toile de jute sur le dos... Le petit gars, tout sale, parle anglais avec de ces accents qui fait que tu comprends un mot sur deux. Il fait hyper attention à ne pas salir ma voiture et me demande s'il peut garder son sac sur ces genoux. Il nous explique qu'il revient de forêt avec sa récolte (crops) et qu'on est super gentil de l'aider pour faire les 5-6 derniers km restant avant sa maison ! On discute un petit peu sur la route, et lorsqu'on le dépose dans un coin au bord de la route au milieu de nulle de part, il insiste pour qu'on descende avec lui, il veut nous montrer ses plantations et sa récolte pour nous remercier !

La "récolte" de Lucky
C'est un peu retissant qu'on sort de la voiture (il nous reste quand même 150 km à faire jusqu'à Kourou !), il ouvre son sac et là...des crabes (ahhhhhhh crabs, pas crops !). Il commence à les attacher ensemble pour les accrocher sur son petit stand au bord de la route : 10€ les 10 crabes, et il en a 75 ! En apprenant qu'on en avait jamais manger (en tout cas pour moi), il nous amène "à l'arrière", chez lui et nous sert une assiette de riz avec le crabes de midi qu'il a réchauffé... puis retourne accrocher les derniers crabes au bord de la route.

Nous en profitons pour faire le tour du propriétaire... Vue d'extérieur, cela ressemble à rien : de la tôle, des arbres, quelques casseroles et bacs de flotte qui traînent... A l'intérieur, c'est tout propre (je dirai même plus, c'est plus propre que chez moi !), des chemises sont suspendues à des cintres, du lino sur le sol, un lit fait, des fleurs sur la table... quel contraste ! Et en plus, purée il est bon ce crabe !

Le premier crabe de ma vie !


Chez Lucky, tout confort !
Quelques minutes plus tard, il revient et nous présente ses cultures :  3 hectares d'ananas, des pastèques, quelques bananiers. C'est joli, mais il va falloir y aller quand même, on a de la route. Que nenni ! C'était mal compter sur l'hospitalité de notre hôte : "Come come, I show you how to cook the crabs, then you can take it home" (pour ceux qui connaissent Big Bang Theory, il faut le prononcer avec l'accent de Raj, mais puissance 12 !). On allume un feu, une casserole... nous voilà à faire la tambouille :). On le regarde laver les crabes, faire bouillir de l'eau... et on cause. On apprends donc qu'il est d'origine indienne émigré au USA, que sa famille s'est fait assassinée quand il était jeune, qu'on la mis à l'armée "to become a strong and beautiful boy". Mais il nous explique que son dada, c'est la musique, pas la guerre. Du coup, il déserte l'armée, et part pour la Guyane afin d'y devenir musicien (là, j'ai pas tout capté, mais passons...), il perd (où on lui vole, j'ai pas compris) ces papiers d'identité, se retrouve coincé en Guyane, commence à travailler dans les champs pour un Hmong, et finalement se barre pour se poser là, à son compte, avec son business d'ananas à vendre au bord de la route... 


Puis on commence à faire revenir les crabes dans de l'huile avec du Maggie et du bouillon. Là on apprend que les gens du coin (pour être poli, car c'est pas tout à fait les mots qu'il a employés) venaient lui voler sa moto tout le temps, lui voler ces fruits, qu'ils avaient tuer le chien qu'il avait récupérer... Bref, les locaux sont pas cools, ne bossent pas, et viennent emmerder ceux qui se donnent du mal pour gagner leur vie... Mais qu'un jour, avec l'argent qu'il met de côté, il pourra s'acheter un hélicoptère (car on est d'accord : "cars suck !"), aller en France, faire des disques, et enfin vivre de sa musique... 
Une demi heure plus tard, pendant que ça cuit, il part, va prendre sa douche, se changer, fumer une clope, il nous dit juste de bien touiller le crabes, ce sera dommage que ça brûle ! 


Les plantations de Lucky
Un parcours étonnant, Quelle est la part d’irréel, d'exagération, ou au contraire que nous a-t-il pas dit ? Nous le saurons lors de notre prochaine rencontre... Car oui, Lucky (c'est son nom), ta générosité, ton honnêteté, ta franchise, et ton crabes m'ont étonné, fait réfléchir, mettent en perspective énormément de sujets, et m'ont donné envie de revenir te dire bonjour ! Grâce à toi, notre voyage de retour sur Kourou s'est transformé en une aventure extra-ordinaire, une de celle qu'on oublie pas ; une de celle qu'on veut renouveler...

Comme l'histoire n'est pas tout à fait finie, on repart donc avec Mijaël, nos crabes mais aussi une quinzaine de plans d'ananas, un plan de remboutant et de la citronelle sous le bras. Une fois au calme dans la voiture, on se regarde, on dit rien... et on rigole ! Notre seule façon sur le moment d'exprimer le fait qu'on avait pas encore tout à fait compris ce qu'il venait de se passer... PK 165, route de Saint-Laurent, très bonne adresse, je vous la conseille !

Un sourire est une clef secrète qui ouvre bien des coeurs*


La cuisine
Lucky, des crabes, et des plans d'ananas
Cuisson à feu vif !

Ma récolte du week-end !
Et mon repas du soir... gratuit !
* Robert Baden Powell

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